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Faites le test suivant : proposez à votre partenaire favori ( quel que soit son niveau ) de travailler les maniements de couleur. Il y a gros à parier qu'il préfèrera perfectionner sa technique du double squeeze, ou encore apprendre toutes les subtilités de la dernière convention à la mode.

Pourtant, les maniements de couleur constituent la base du jeu avec le mort. Au cours d'une séance de bridge, on est sans cesse confronté à des problèmes à résoudre dans ce domaine. De ce fait, une bonne connaissance de quelques principes peut rapporter gros. D'où vient alors la réticence des bridgeurs vis-à-vis des maniements ? Probablement d'une certaine aridité apparente, combinée à la croyance ( en grande partie erronée ) qu'il faut être un expert en probabilités pour s'y retrouver.

Le but de cet article est d'essayer de convaincre les internautes que quelques efforts suffisent à faire de gros progrès dans ce secteur du jeu. Qui plus est, contrairement, par exemple, aux enchères ou au flanc, il est facile de s'y entrainer seul. DAns cet article, nous allons simplement passer en revue ( sans être exhaustifs ) quelques règles fondamentales, en les illustrant par des exemples.

1 - Définissez l'objectif

Avant toute chose, quand on s'apprête à manier une couleur, il faut savoir combien de levées on cherche à y faire. En partie libre ou en match par 4, il s'agit, e, général, du nombre de levées qui va permettre de réussir le contrat ; en tournoi par paires, de celui qui donne les meilleures chances de battre les autres paires.

Si vous jouez le grand chelem dans cette couleur d'atout, vous n'avez pas le choix : la D doit être seconde, et vous tirez A et R en tête. Vos chances sont très médiocres, mais vous ne pouvez rien tenter d'autre.

Si, maintenant, vous vous êtes raisonnablement arrêté au petit chelem, et que vous n'avez pas de perdantes dans les autres couleurs, vous pouvez notablement améliorer vos chances en jouant l 'A, puis un petit vers le V . Vous gagnez, non seulement si la couleur est 3 - 2 ou si la D est sèche, mais aussi si Ouest possède la D quatrième.

Que faut-il faire en tournoi par paires ? Là, le problème est plus compliqué. Si le chelem paraît évident à appeler, il faut, sans doute, tenter de faire 13 levées en adoptant le premier maniement. Si c'est votre merveilleuse technique d'enchères qui vous a permis de détecter un chelem à 25 points, jouez pour 12 levées, car votre note sera toujours bonne si vous réussissez votre contrat.

2 - Tenez compte des autres contraintes

Un maniement de couleur ne peut se concevoir que dans un contexte. En particulier, avant d'exécuter un maniement, il faut toujours vérifier que l'on dispose des communications requises, ou encore qu'on ne risque pas d'affranchir trop de levées en flanc.

Pour faire 3 levées, le meilleur jeu est clairement de jouer 2 fois vers R D, mais cela necessite deux entrées en main. Si on ne peut être qu'une fois en main, on est obligé de jouer l 'A second en Ouest en jouant petit vers le R, puis petit des deux mains.

Si l'on a besoin de 3 levées, le meilleur jeu consiste, a priori, à jouer A R en tête, puis à rejouer vers le V. Cela évite de perdre une D seconde en Est. Si le flanc droit possède la D au moins quatrième, il n'y a rien à faire.

Cependant, pour adopter ce maniement, deux conditions sont requises : avoir une rentrée en main, et pouvoir se payer le luxe de donner la main une fois aux adversaires !

Si le contrat est 7 SA, et que vous avez 10 levées dans les autres couleurs, il serait évidemment absurde de jouer ainsi, et il faudra simplement faire l 'impasse à la D, après avoir donné un coup de sonde en tirant l 'A, si les communications le permettent.

3 - Soyez attentifs aux cartes intermédiaires

Ce sont souvent les 9, les 8, voire les 7, qui font la différence :

Vous savez qu'à 8 cartes, on fait l 'impasse à la D, mais dans quel sens ? CE n'est pas du tout une question de hasard : en jouant le R, puis le V, vous gagnez avec D 9 x x en Ouest, tandis que D 9 x x en ESt sont imprenables. La présence du 8 et l 'absence du 7 ont donc une grande influence sur le maniement de cette couleur. On voit aussi apparaître, dans cet exemple, notre quatrième principe...

4 - Quand vous hésitez entre 2 maniements, considérez les partages irréguliers

Pour faire 4 levées dans cette couleur, faut-il laisser filer le V, ou jouer petit vers le R ?

Le partage 2 - 2 ne vous permet pas de décider, car Ax à gauche pour Dx à droite est aussi probable que Dx à gauche pour Ax à droite ( non, vous n'avez pas besoin d'être mathématicien pour comprendre cela ! ).

Par contre, l 'absence du 9 fait que la seule position pour gagner avec la couleur 3 - 1 est la D sèche. Il faut donc jouer petit vers le R.

5 - Eliminez les hypothèses fantômes

Imaginons que vous deviez faire toutes les levées dans cette couleur ( bigre ! ).

Vous partez du 3, Est fournit le 6. Est-ce le moment de glisser le 10 en espérant D V 6 chez lui ? Non, vous ne devez pas prendre votre adversaire pour un demeuré ; avec cette teneur il lui aurait suffi d'intercaler un honneur pour vous faire échec. IL faut donc jouer votre seule chance légitime : D V secs en Ouest, et mettre l 'A.

Parfois aussi, vous aurez des indications plus subtiles provenant des enchères ou de l'entame.

RÉSUMÉ

des quelques principes évoqués ci-dessus

1 - Définir l 'objectif ;

2 - Vérifier les contraintes annexes

( communications, nombre de fois où l'on peut rendre la main ) ;

3 - Faire attention aux intermédiaires ;

4 - Considérer les partages irréguliers, en cas de doute ;

5 - Ne pas prendre en compte les hypothèses manifestement exclues

par les enchères ou le jeu de flanc.

Exercice d'application

A 8 4 3

D V 7 6 2

Comment jouez-vous pour faire 5 levées ? Pour faire 4 levées ? Et si vous aviez le 9 à la place du 7 ? Vous avez toutes les communications nécessaires.

BIBLIOGRAPHIE

Il y a finalement assez peu d'ouvrages sur les maniements de couleur.

Le livre de référence, en français, est le " Dictionnaire des maniements de couleur " de Jean-Marc Roudinesco.

On trouve aussi beaucoup de choses intéressantes dans " Les probabilités - La lecture des mains " de Hugh Kelsey (adapté en français par J-M Roudinesco).

Enfin, pour ceux qui lisent l'anglais, " Cards combinations " de Mike Laurence est un must.