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Arbitrage

Enquête au cœur de la RENONCE

par Arnaud de Grossouvre

Champion de France, Professeur agréé F.F.B. et Arbitre national.

 

Conclure un arrangement amiable sans le contrôle de l'arbitre est monnaie courante à la table de bridge. C'est parfois l'objet " d'involontaires escroqueries " dues à une certaine crédulité des joueurs, voire à une négligence à vouloir " déranger " l'arbitre.

Les tables de bridge n'étant pas encore équipées de micro ni de caméras vidéo ( ce qui serait certainement instructif pour connaître les raisons pour lesquelles les boîtes à enchères se dégarnissent mystérieusement ), il ne lui reste qu'une bonne ouïe pour entendre ce genre de propos :

" - Vous avez fait une renonce : deux levées de transfert ! "

Le couperet tombe et voilà nos adversaires manchots s'ils ne retrouvent pas leur souffle pour appeler l'arbitre.

Soyons réalistes, quelle pourrait être la marque si un déclarant joue 6 SA et gagne tous les plis alors que l'adversaire n'a pas fourni une fois ( et pourquoi pas plusieurs ? ) dans une couleur où il détenait des cartes ? 6 SA + 3 n'est pas une marque répertoriée par le règlement. On ne peut pas non plus inscrire 7 SA juste fait puisque ce contrat n'a jamais été demandé. Alors ? DAns cette situation, il n'y a aucune levée de transfert, et la marque reste de 6 SA + 1.

Il nous reste maintenant à déterminer quand la renonce est effectivement consommée ; quelles sont ses conséquences, en particulier sur le nombre de levées à transférer par rapport au moment où la renonce a été faite et, pour conclure, quelques réflexions sur ce que nous ressentons avec son application.

 

1 - LA CONSOMMATION

 

RÈGLE n° 1

LA RENONCE EST DITE " CONSOMMÉE ",

QUAND LE CAMP FAUTIF A REJOUÉ POUR LA LEVÉE SUIVANTE.

Tant qu'une renonce n'est pas consommée, elle peut être corrigée, aussi bien par le déclarant que par le joueur de la défense ( La carte exposée devient alors une carte pénalisée principale ).

Il faut également signaler que le mort ( sous réserve qu'il n'ait pas perdu ses droits ) peut demander au déclarant s'il possède une carte de la couleur demandée, mais les défenseurs n'ont pas ce droit, et le fait de dire " Plus de ... partenaire ? " fait que la renonce est irrémédiablement consommée.

Enfin, on note qu'il n'y a pas de renonce du mort, puisque tous les joueurs peuvent se rendre compte qu'il ne possède pas le nombre de cartes adéquat.

 

2 - LE NOMBRE DE LEVÉES À TRANSFÉRER

 

Exemple n° 1

R 7 5

D 9

A D V 7 3

R V 5

V 9 2

10 8 4

8

V 10 6 5 4 3 2

9 6 5 4 2

-

10 9 8 7

A D 3

A D 6 3

A R 7

R 10 8

6 4 2

La séquence d'enchères :

Sud
Nord
1 SA
6 SA

Sud joue 6 SA sur l'entame du 10 de . ESt réalise rapidement les deux premières levées avec la D et l'As de . A la troisième levée, Est rejoue et Ouest défausse un . L'erreur est détectée un peu plus tard ( renonce consommée ), et Sud, ayant gagné toutes les levées restantes, réclame néanmoins deux levées de transfert, tout en étant prêt à céder à une levée.

La défense remporte les deux premiers plis, la renonce n'intervient qu'au troisième. Cette levée est celle de la rupture et, comme le déclarant a fait tous les plis à partir de cette levée, il n'y a pas de levée à transférer.

Le résultat de la donne sera donc : 6 SA - 1.

RÈGLE n° 2

IL N'Y A AUCUNE DE LEVÉE DE TRANSFERT, QUAND LE CAMP FAUTIF NE GAGNE PAS DE LEVÉE À PARTIR DE LA RENONCE (CELLE-CI COMPRISE).

CECI IMPLIQUE QUE LES LEVÉES GAGNÉES PAR LA DÉFENSE AVANT LA RENONCE NE PEUVENT ÊTRE TRANFÉRÉES.

Admettons maintenant que Ouest ne fournisse pas de sur l'As. La renonce est ensuite consommée, et le déclarant remporte toutes les autres levées;

Le joueur fautif ne fait pas la levée de la renonce, et il ne fait aucune levée avec du par la suite ; par contre, le camp fautif gagne une levée à partir de la renonce ( celle-ci ou n'importe quelle autre ) : il y aura une levée de transfert, soit 6 SA =.

RÈGLE n° 3

QUAND LE JOUEUR FAUTIF NE FAIT NI LA LEVÉE DE LA RENONCE, NI AUCUNE AUTRE LEVÉE AVEC LA CARTE DE LA COULEUR DANS LAQUELLE IL A RENONCÉ, MAIS QUE SON CAMP GAGNE AU MOINS UNE LEVÉE À PARTIR DE LA RENONCE (CELLE-CI INCLUSE) :

IL Y A UNE LEVÉE DE TRANSFERT.

 

Exemple n° 2

R 7

9

A 3

D 8

 

 V

D 9

2

V 7 5

9

6

 8

7

R 6

Atout - à 5 cartes de la fin -

Sud joue le 7 de coupé du 9 de  , surcoupé du V de   d'Est, qui rejoue le 2 de !

La renonce étant consommée, le jeu se poursuit, et Sud remporte le reste des levées.

RÈGLE n° 4

QUAND LE JOUEUR FAUTIF GAGNE LA LEVÉE DE LA RENONCE, ET SI SON CAMP NE FAIT PLUS AUCUNE LEVÉE PAR LA SUITE :

IL Y A UNE LEVÉE DE TRANSFERT

N'y a-t-il donc jamais deux levées de transfert ?

Exemple n° 3

6

D 6 4

D 2

8

D 6

5

A 10 8

9 5

7

R 10

R 9

 10

R V 2

Atout   - à 6 cartes de la fin -

Le 10 de est coupé avec le 6 de du mort, et Est surcoupe avec le 8 de ( ! ) . Par la suite, la défense réalise encore l'As de .

RÈGLE n° 5

QUAND LE JOUEUR FAUTIF GAGNE LA LEVÉE DE LA RENONCE, ET SI SON CAMP FAIT AU MOINS UNE LEVÉE PAR LA SUITE :

IL Y A DEUX LEVÉES DE TRANSFERT

Mais aussi,

Exemple n° 4

 

8 5 4

6 5

  2

10 6 3

V 7 2

D 7

A

10

R D

V 4

Sans-Atout - à 5 cartes de la fin -

Sud joue le 10 de   et Est défausse le 2 de ( ! ). Il encaisse ensuite R et D de avant de jouer : Est remporte les deux dernières levées avec l'As de et le 2 de .

RÈGLE n° 6

QUAND LE JOUEUR FAUTIF NE GAGNE PAS LA LEVÉE DE LA RENONCE, MAIS LORSQU'IL FAIT UNE LEVÉE AVEC UNE CARTE DANS LA COULEUR OU IL A RENONCÉ, ET ,SI LE CAMP FAUTIF GAGNE AU MOINS UNE AUTRE LEVÉE À PARTIR DE LA RENONCE :

IL Y A DEUX LEVÉES DE TRANSFERT

Contrairement à une idée fort répandue, une renonce ne pénalise pas nécessairement le camp qui l'a faite.

Exemple n° 5

 

5 3

V

8 6

R

9

D

8 6

4

R

D 10

5

A 7

9 5

6

Atout - à 5 cartes de la fin -

Sud joue le 5 de , coupé au mort et surcoupé avec le 9 de par Est, qui encaisse le R de ( les trois derniers plis reviennent au déclarant ) : Deux levées sont transférées, ce qui donne les cinq dernières levées à Sud.

Or, si Est avait fourni à , Sud serait rentré en main en coupant un , le 9 de maître aurait permis de défausser le V de et le 6 de de Sud aurait été coupé au mort.

Dans ce genre de situation, il se trouve que la renonce ne coûte aucune levée au camp fautif, et que la pénalité appliquée au regard du Code ne fait que rétablir l 'équité.

Toutefois,

Exemple n° 6

 

8 5

6 5 

D 8 7

A V 9 8 6 5

V 6 4

D 10 9 3 2

  R 9 7 3 2

A V 8

R 5 4

6 3

D 2

10 7 4

A R 7

 D 10 4

A V 10 9 2

R 3

Sud joue 3 SA sur l 'entame du 3 de  . Il joue R de et : Ouest défausse sur le second . Le déclarant se rabat sur les et perd, en définitive, 4 cœurs + 1 carreau + 1 trèfle. Les deux levées de transfert, qui pourrait lui être octroyées, le ramènerait à 3 SA = ;.

Or, si Ouest avait normalement fourni sa D de au deuxième tour de la couleur, Sud aurait gagné dix levées : 2 piques + 1 cœur + 1 carreau + + 6 trèfles. La pénalité ne lui permet pas de récupérer un score " normal ".

L'arbitre doit donc attribuer une marque ajustée.

RÈGLE n° 7

QUAND LA RENONCE AVANTAGE LE CAMP FAUTIF, ET QUE LA LOI NE RÉTABLIT PAS L'ÉQUITÉ,

L'ARBITRE DOIT ATTRIBUER UNE MARQUE AJUSTÉE

( Soit artificielle, soit de remplacement )

 

3 - A DEUX CARTES DE LA FIN

Il n'y a pas de renonce, quand elle est faite à deux cartes de la fin. On revient à l'avant-dernière levée et l'on reconstitue la fin de la donne. Le camp fautif ne subit aucune pénalité.

Exemple n° 7

2

  V

D 7

R

 

10

V 9

Sud joue le V de pour la D de d'Ouest, et ESt défausse le 10 de ( ! ) . La renonce est consommée quand Ouest rejoue le 7 de . On revient à la levée précédente : Est fournit son R de sur la D de , et doit rendre le V de   du mort.

Mais, il peut arriver que la situation soit différente, si le partenaire du joueur fautif n'a pas joué pour la levée en cours :

Exemple n° 8

5

4

7

D

9

10

R

Sud joue le R de et Ouest défausse le 9 de ( ! ). Est sait qu'il ne reste qu'un seul en dehors de sa D de : il jette alors la D de pour garder le 10 de , ce qui se révèle être le bon choix.

Qu'aurait-il fait si Ouest avait fourni le 7 de ? Il avait en tout cas une chance de se tromper, que la défausse du partenaire a supprimée.

RÈGLE n° 8

SI UN JOUEUR DE LA DÉFENSE FAIT UNE RENONCE À DEUX CARTES DE LA FIN, AVANT QUE SON PARTENAIRE N'AIT JOUÉ, ET SI CELUI-CI POSSÈDE DES CARTES DE COULEURS DIFFÉRENTES, LE PARTENAIRE DU JOUEUR FAUTIF NE DOIT PAS CHOISIR UN JEU SUGGÉRÉ PAR LA RENONCE.

L'arbitre est là pour appliquer le règlement, sans favoriser qui que ce soit ; aussi, l'argument tel que : " cela ne change rien ", est bien sûr irrecevable.

Parfois, le camp fautif est sévèrement pénalisé ; parfois, la pénalité ne fait que rétablir l 'équité sans que pour autant le camp non fautif soit avantagé. Ainsi est la loi du bridge :

" DURA LEX, SED LEX "

Pour conclure, et ceci particulièrement pour éviter tout problème, vous devez laisser vos cartes rangées dans l'ordre où elles ont été jouées.

En cas de contestation, si un joueur est supposé avoir renoncé, et qu'il mélange ses cartes avant que l'arbitre n'ait pu se rendre compte de l'erreur, et si les faits ne peuvent plus être établis avec certitude, le joueur qui aura mélangé ses cartes se verra donné tort.

 

 

 
 

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Texte extrait du site " Bridge & Internet " à l'adresse http://www.webridge.fr