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Arbitrage

 11 - Communication entre partenaires  
par Bertrand GIGNOUX 
 

Introduction générale

Le Code International du Bridge ( 1997 ) comporte un chapitre entier consacré aux " Convenances " . Ce terme vague regroupe à la fois quelques Principes généraux ( Loi 72 ), la Communication entre partenaires ( Loi 73 ), la Conduite et l 'éthique ( Loi 74 ) et les Agréments entre partenaires ( Loi 75 ).

Ces lois sont sûrement parmi les plus importantes et, paradoxalement, parmi les plus méconnues. Elles sont aussi les plus difficiles à comprendre. Elles engendrent des décisions arbitrales souvent spectaculaires donnant lieu à des discussions indignées ou passionnées. 

Si tous les joueurs de compétition acceptent les pénalités relatives à une enchère ou une entame hors-tour, leurs réactions violentes ou médusées constatées après l'application de pénalités consécutives à une infraction à ces lois prouvent que des explications de ces lois sont nécessaires.

Avant de débuter l 'étude de ces lois fondamentales, il me parait indispensable de vous citer la dernière phrase de " l'objet du code " qui figure en préambule de notre code.

 " Les lois ne sont pas destinées principalement à punir des irrégularités,

mais plutôt à compenser un dommage ".

Autrement dit, le but de l'arbitrage n'est pas de sanctionner, mais de rétablir l 'équité, c'est-à-dire le résultat qui aurait été obtenu sans irrégularité. Gardez bien en mémoire que, dans le cadre des lois réservées aux convenances, l'arbitre ne cessera de se poser ces questions : Que se serait-il passé sans irrégularité ? A quel résultat aurions-nous abouti, si l 'infraction n'avait pas eu lieu ? Vous admettrez que sa tâche est à la fois très honorable et bien délicate.

LOI 73

( page 127 à 129 )

Cette loi 73 est capitale : c'est le fondement même de notre jeu. En une phrase elle décrit pourquoi vous ne pouvez pas dire :" Je me demande si mon partenaire coupe à ", et précise les trois sources légales d'informations, c'est-à-dire les moyens vous permettant d'obtenir des renseignements sur le contenu du jeu de votre partenaire et par conséquent sur ceux de vos adversaires.

1 ) Les déclarations légales

Exemple 1 : l 'ouverture de 1 SA du partenaire vous informe qu'il possède ( ou devrait posséder ) une main régulière de 16 à 18 points d'honneur ;

Exemple 2 : Votre partenaire, donneur, passe ; il n'a donc pas plus de 11 points d'honneur ;

Dans ces deux cas, si vous deviez vous trouver en défense, vous pourriez baser votre raisonnement à partir des informations que ces déclarations vous auront transmises.

2 ) Le jeu ( de la carte ) légal

Exemple 3 : Imaginez que votre adversaire de gauche ouvre de 1 SA, contrat final. L'entame de l'As de vous permet de localiser 4 points d'honneur et sûrement le Roi de chez votre partenaire.

Exemple 4 : Votre adversaire est déclarant au contrat de 3 SA. Vous entamez d'un Roi, ce qui, conventionnellement, au sein de votre système, demande au partenaire de débloquer ou à défaut d'indiquer son nombre de cartes. Votre partenaire fournit le 2 : vous avez reçu, en toute légalité, l'information que votre partenaire n'a pas d'honneur dans votre couleur d'entame et y possède un nombre impair de cartes.

3 ) Le maniérisme ADVERSE

Cela signifie que les grimaces, hésitations, gestes, etc. des ADVERSAIRES sont autant d'informations auxquelles vous avez droit : vous pourrez en tirer les conclusions que vous voudrez et baser votre action sur ces faits.

Pour bien comprendre les informations qui vous sont légalement accessibles, tout devrait se passer comme si vous étiez assis à la table, vos adversaires à vos côtés, comme dans la situation habituelle, mais votre partenaire, lui, étant muet ( au moins pendant la période des annonces ) et invisible, ses enchères et son jeu de la carte étant produits toujours au même rythme, les écrans permettant de se rapprocher, mais sans l'atteindre, de cette situation idéale.


En dehors de ces trois sources d'informations ---->
Zone interdite :

vous entrez dans l'illégalité ou, tout au moins, dans le domaine de l' information illicite.


La loi 73 B1 est très claire : " Il est inapproprié que la communication entre partenaires soit effectuée grâce à la manière dont les déclarations ou le jeu sont faits, grâce à des remarques et des gestes illicites, grâce à des questions posées ou non posées à des adversaires, grâce à des alertes et des explications données à des adversaires ".

Reprenons cette loi en détail :

1 ) " Remarques et gestes illicites " : vous avez là le texte de la loi qui explique pourquoi vous ne pouvez pas demander à votre partenaire : " Tu n'as plus de ... ? " ou bien vous gratter le côté gauche de la poitrine pour réclamer le retour .

2 ) " Questions posées et non posées à des adversaires " : Exemple 5 : vos adversaires enchérissent comme suit :

 

Sud
vous en Ouest
Nord
Est
1
Passe
3 SA
Passe
Passe
?
 
.

Avant votre passe final, et bien que vos adversaires vous aient averti qu'ils jouaient " la majeure 5è, meilleure mineure ", donc que l'ouverture de 1 promettait au moins trois cartes, vous questionnez avec insistance le futur déclarant au sujet de cette ouverture de 1, couleur dans laquelle vous détenez A R V cinquième. Gare à vous, si Est découvre l'entame dans sa Dame seconde ! En posant perfidement une question dont vous connaissiez parfaitement la réponse, vous aurez mis l'accent sur les de façon tout à fait illégitime. L'arbitre se posera alors la question : " Que se serait-il passé sans l'entame ? " et le score sera rectifié en conséquence.

Pour le moment, c'est facile ; tout le monde comprend. Attention cela se complique.

3 ) " Grâce à des alertes et des explications données ou non données à des adversaires " : cela signifie que les alertes et les réponses aux questions des adversaires sont à l'usage exclusif de ceux-ci.

Exemple 6 : Avant d'aborder la première séance du Grand Open de Manneville-la-Pipard, vous êtes convenus avec votre partenaire de jouer le " Michael 's Cue-bid NON précisés ". Sur l'ouverture adverse de 1, l'intervention à 2 montre un bicolore avec des et une mineure ( même principe sur 1 en inversant les majeures ), le saut à 3 restant naturel. En Michael 's précisés, 2 montre les et les , et 3 un bicolore rouge ; ces enchères de bicolore représentent une véritable " mine d'or " pour les arbitres. Le tournoi commence et vous relevez, en Ouest, la main suivante :

V 5

7

8 6 3

A D V 10 9 7 3

Sud, donneur, ouvre de 1 . Votre soigneuse mise au point vous autorise à déclarer 3, en toute quiétude. Patatras ! votre nigaud de partenaire alerte ! Le tournoi démarre bien. A la demande de l'adversaire, il explique : " Bicolore 5 - 5, avec des et des ". Bien sûr, vous ne bronchez pas, sachant parfaitement que toute manifestation agacée de votre part, destinée à raviver la mémoire d'Est serait immédiatement sanctionnée. Nord soutient à 3 , et votre cas s'aggrave : " Stop ! 4 " dit votre partenaire. Dix secondes règlementaires plus tard, Sud contre. C'est à vous !

Vous voilà dans de beaux draps. Manifestement, votre partenaire croit jouer le Michael 's précisés, mais vous ne connaissez la vérité que grâce à l'alerte et l'explication orale d'Est. Relisez bien la loi : vous n'avez pas droit à cette information. Imaginez que vous n'ayez pas vu l'alerte et que vous n'ayiez pas entendu l'explication, Vous avez donc maintenant deux possibilités :

  • Vous essayez 5. Attendez-vous à voir l'arbitre arriver toutes sirènes hurlantes, les menottes à la main. Nul doute qu'il rectifiera le score à 4 contrés ( moins un maximum - le résultat qui aurait été obtenu sans l'infraction ), sauf bien sûr si la chute à 5 est encore plus chère.
  • Vous passez. Dans ce cas, Première bonne nouvelle : c'est votre partenaire qui jouera ce contrat grotesque avec peut-être 5 malheureux atouts dans la ligne ; Deuxième bonne nouvelle : votre réputation en sortira grandie. La mauvaise nouvelle est que le zéro qui suivra ne devrait être partagé qu'entre vous et votre partenaire. De toutes façons, vous ne pouviez plus y échapper.
  • Pour bien comprendre pourquoi vous n'avez pas le droit de déclarer 5 , imaginez que votre partenaire, enfin dans un bon jour, ait correctement expliqué votre enchère de 3 comme provenant d'un unicolore faible à ; puis ait tout de même déclaré 4 sur le 3 adverse, le contre de Sud serait cette fois beaucoup moins inquiétant. En fait, vous seriez même ravi : avec un bon soutien face à une couleur au moins 7è, un singleton dans la couleur adverse et une belle couleur à , commandée par l'As, vous avez une grande chance de gagner 4 contrés et vous seriez déjà en train de calculer " ça fait combien 4 contrés juste fait ? ". Vous viendrait-il à l'idée de rectifier à 5 ? Sûrement pas.

Un cas fréquent : les hésitations

Lorsque l'arbitre est appelé à la table après une hésitation, l'auteur de l'hésitation se sent souvent accusé et tente fréquemment de se justifier auprès de l'arbitre : " Regardez ma main, c'est normal d'hésiter, j'ai un problème !! ". Autant vous le dire honnêtement, l'arbitre s'en désintéresse complètement. Il est d'accord avec vous et vous comprend. Voici le point important :

Il n'est pas illicite d'hésiter. Une hésitation ne constitue, en aucun cas une infraction à condition que son auteur ait un problème de bridge à résoudre. Les arbitres, qui sont aussi, à leurs heures perdues, des joueurs de bridge se retrouvent, comme vous, dans des situations qui demandent une longue réflexion. Un arbitre ne vous reprochera jamais d'hésiter, si vous avez une décision à prendre. L'ennui est que l'hésitation véhicule souvent une information et que celle-ci est pratiquement toujours identifiable. Or, ce moyen de communication n'est pas autorisé. Donc, l'irrégularité ne survient que si le partenaire tire un quelconque profit de cette hésitation.

Exercice d'application n° 1

Sud, donneur, possède la main suivante :

Main de Sud

A D V 9 8

A R V 5

D 8 3

7

Voici la séquence d'enchères :

Sud
Nord
1
2
2
3
4
4 SA
5 1
5 2
?
..

5 1 = 2 As sans le Roi d'atout

5 2 = Après une longue hésitation !

Que déclarez-vous sur 5 ? Vous n'avez qu'une seule enchère : Passe ! !

Après votre enchère de 4 , votre partenaire a utilisé le Blackwood, puis est revenu à 5 , après votre enchère de 5 , comme s'il manquait 2 As. Après tout, le Blackwood sert à cela : ne pas jouer de chelem avec 2 As dehors.

Quelle information vous a transmise l'hésitation ? Elle est facile à comprendre : il ne manque pas deux As, puisque, dans ce cas, votre partenaire n'aurait eu aucune raison d'hésiter, et aurait conclu rapidement à 5 . Vous savez donc que le partenaire a au moins un As et que, au vu de son jeu, le chelem est sûrement sur table.

Comprenez bien que c'est l'hésitation, et l'information non autorisée qu'elle véhicule, qui vous permet de déduire que vous pouvez faire 12 levées à l'atout ; la loi 73 C vous rappelle qu'après une information non autorisée, vous devez soigneusement éviter d'en tirer un quelconque avantage.

Quelques joueurs, pas vous bien sûr, se laisseraient aller à dire 6 , avec ces arguments : " Mon enchère est très logique, et je n'ai pas été influencé par l'hésitation. J'ai 17 points d'honneur, alors que je n'ai promis que 12 points, un soutien à que je n'ai pas encore décrit, de beaux atouts. De plus, mon partenaire a forcément un As, puisque ses atouts ne sont commandés au mieux que par le Roi . Mon enchère de 6 est donc automatique et obligatoire ".

L'arbitre, après avoir rectifié à 5 + 1, vous fera remarquer : " Votre partenaire aurait pu détenir :

Main de Nord

Main de Nord

R 10 2

La main de gauche

R 10 7 6 5 4

D 7

ou

3

R V 10 9 7

La main de droite

R V 10 7

R D V

R D

Exercice d'application n° 2

Cet exemple concerne le jeu de la carte ; vous êtes en défense, en Ouest, après les enchères suivantes :

Sud
Nord
1 SA
6 SA

D V 10

A D 9

R V 9 8 5

D 5

R 7 6

V 10 8 5 2

6 3

8 7 4

N

 O / E 

S

Vous entamez le V de , l'A de , le 6 et le 3. Après avoir réfléchi, le déclarant appelle la D de , le 4, le 8 et vous prenez du R de .Que rejouez-vous ? Répondez à cette question avant de lire la suite.

Voici un problème de flanc très difficile. Imaginons deux distributions envisageables :

D V 10

A D 9

R V 9 8 5

D 5

R 7 6

V 10 8 5 2

6 3

8 7 4

N

 Diagramme n° 1 

S

A 4 3 2

6 3

10 4 2

V 10 9 3

9 8 5

R 7 4

A D 7

A R 6 2

Dans le cas du diagramme n° 1 ci-dessus, il faut rejouer , sinon Est sera squeezé entre ses 4 cartes à et son As de .

Dans le cas du diagramme n° 2 ci-dessous, il faut rejouer , sinon Sud réalisera 3 levées à , 5 à et 4 à ( avec l'impasse au 10 ).

D V 10

A D 9

R V 9 8 5

D 5

R 7 6

V 10 8 5 2

6 3

8 7 4

N

 Diagramme n° 2 

S

9 5 4

6

10 4 2

A V 10 9 3 2

A 8 3 2

R 7 4 3

A D 7

R 6

Y a-t-il un raisonnement qui vous permette de bien décider dans chacun de ces 2 cas ? Personnellement, je n'en vois pas.

Imaginez maintenant qu'Est, à la 2è levée, réfléchisse très longtemps, lorsque le déclarant joue la Dame de , et se décide, après avoir sorti une carte, puis une autre, pour le 4 de . Après avoir pris du Roi de , que rejouez-vous ? Vous avez bien sûr compris que vous rejouerez ce que vous voudrez, sauf .

L'hésitation d'Est vous a apporté une information facilement déchiffrable : il possède l'As de ( on n'hésite pas très longtemps pour indiquer son compte ou pour faire un appel de préférence ). Ceci est une information illicite, non autorisée. Vous ne devez pas en tirer un quelconque avantage.

Dans cette situation, rejouer serait une infraction. Votre partenaire vous a mis dans une situation épouvantable. Vous allez probablement livrer le chelem à vos adversaires, en sachant que, au départ, vous auriez pu prendre les premières levées à .

Si cela vous console, blamez votre partenaire d'avoir hésité, mais comprenez bien qu'il n'a rien commis de repréhensible sur le plan arbitral. Peut-être a-t-il mal joué, mais c'est un autre problème.

POINT IMPORTANT À RETENIR

" Une hésitation n'est pas une infraction. L'infraction ne survient que si le partenaire en tire un quelconque avantage.".

Exercice d'application n° 3

Sud possède la main suivante :

Main de Sud

R D 5

D 6 4

R 8 5 3

D 9 7

Nord, donneur, après une longue réflexion, ouvre de 1 SA. On peut parier qu'il ne possède pas 16 points d'honneur dans une main 4 3 3 3. Peut-être a-t-il une majeure 5è, une mineure 6è, voire 7è, une distribution 5 4 2 2, un singleton : seul Nord le sait. Est passe. Sud dit 3 SA.

Quel que soit le score obtenu sur cette donne, il sera maintenu. Sud n'a tiré aucun avantage de l'hésitation, n'en a tenu aucun compte. Il a enchéri comme n'importe quel autre joueur possédant sa main. En revanche, tout autre action que 3 SA éveillera la suspicion de l'arbitre et déclenchera le début d'une enquête.

Exercice d'entrainement n° 4

Cet exemple est fourni par la revue américaine " The Bridge World ".

La séquence d'enchères ( Personne vulnérable - Nord donneur ) se déroule comme suit :

Nord
Est
Sud
Ouest
1
1
1
Stop ! 4
Passe *
Passe
4
Fin

Passe * = Après deux minutes de réflexion

Dans le système de la paire N / S, un éventuel contre à ce stade serait punitif.

L'hésitation est reconnue ; le jeu se poursuit avec un résultat de 4 juste faits : arrivée de l'arbitre.

Quelle sera, d'après vous, son attitude, selon que Sud détient l'un ou l'autre des trois jeux suivants ?

R D V 6 4 2

D 10 7 6 2

R 10 9 5 4 2

8

4 3 2

8 6 4

9 5

8 7 2

8 7

D V 5 4

R 8

R 5

Jeu n° 1

Jeu n° 2

Jeu n° 3

Voici la solution proposée par Bertrand Gignoux