Magazine WEBridge n° 05
Saviez-vous que ...? 

Le plus célèbre meurtre au bridge eut lieu à Kansas City en 1929.

(Extrait de l'excellent ouvrage de Jack Olsen : " Les mille histoires du bridge " - Editions Gallimard pour la version française - 1962 - malheureusement épuisé et introuvable à ce jour)

Prologue

" Les Bennett et les Hoffmann étaient voisins et jouaient souvent ensemble au bridge ". .....

Acte I : La dispute

Un dimanche après-midi, après avoir déjeuné ensemble tous les quatre chez les Bennett, il commencèrent à jouer au bridge, les Bennett contre les Hoffmann.

Mme Hoffmann raconta ce qui suit :

" Plus la partie avançait, plus les Bennett se mirent à échanger des sarcasmes et des remarques caustiques. Finalement, il y eut un contrat de 4 Piques ; Bennett avait ouvert de 1 Pique, mon mari était intervenu à 2 Carreaux, et , là-dessus, Mme Bennett avait, sans tergiverser soutenu à 4 Piques. Elle coucha son jeu sur la table ; c'était un beau jeu, pourtant son mari chuta le contrat.

" Elle en devint furieuse et se mit à faire des remarques, parlant de joueurs de bridge, qui ne sont que des "cloches ". Il lui répondit, je ne sais plus exactement en quels termes. Tout cela se prolongea quelques minutes. Nous fîmes des tentatives pour arrêter leur dispute en réclamant les cartes, mais la querelle s'était envenimée à tel point qu'il se leva, attrapa son bras et la gifla plusieurs fois.

" Nous ne pûmes rien faire. Mme Bennett répétait comme une litanie ; " Une cloche ! Il n'y a qu'une cloche qui puisse battre une femme " ; quant à Bennett, il se mit à crier ; " Je m'en vais. Je passerai la nuit à l'hôtel. Et, demain, je quitte la ville." Elle nous dit alors : "Il vaut mieux que vous partiez."Bien sûr, nous nous levâmes."

Acte II : Le meurtre

Mais avant que les Hoffmann aient pu partir, Mme Bennet sortit en courant de sa chambre, un revolver à la main. " John part pour Saint Joseph, dit-elle ; il veut avoir une arme." Bennett faisait sa valise dans son coin. Hoffmann se dit qu'il ne pouvait pas partir sans essayer de calmer son ami ; il le trouva et ils se mirent à parler ensemble. C'est alors que Mme Bennett fit irruption, brandissant son revolver ; Bennett courut dans la salle de bain et en claquait la porte juste au moment où deux balles frappèrent le panneau. Touché, il sortit, tituba jusqu'à une chaise, s'y effondra et dit : "Elle m'a eu ", et mourut .

Acte III : Réactions du public

" La réaction du public fut une scandaleuse démonstration du déséquilibre des Américains, dès qu'un sujet confine au bridge. Qu'un homme ait perdu la vie, sans importance ; mais comment avait-il joué ? Culberston, après avoir baptisé cette tragédie " une leçon sur l'importance de l'évaluation précise de la main ", posa les questions suivantes au public haletant :

" Qu'avait-il en main pour annoncer ? Quel système jouait-il ? Qu'avait sa femme pour sauter à la manche ?Ne serait-ce pas qu'il manquait une fraction de levée d'honneur à Bennett pour son ouverture ? Ou bien que l'enchère de Mme Bennett n'était pas conforme aux exigences adoptées par nos plus grands joueurs ?"

Acte IV : Analyse de la donne par Sydney Lenz

" Un peuple entier attendait le verdict (Mme Bennett, soit dit en passant, venait d'être acquittée ; mais, peu importe). Une année s'était écoulée quand le New York Journal publia la main complète que voici :

.

R V 9 8 5

R 7 6 2

8 5

R 10

.

4

D 9 4

R V 7 6 3

D 7 5 3

M. Bennett

.

.

Mme Bennett

D 7 2

A V 3

A D 10 9 2

V 6

.

A 10 6 3

10 8 5

4

A 9 8 4 2

.

M. Bennett
M. Hoffmann
Mme Bennett
Mme Hoffmann
1
2
4
Passe
Passe
Passe
Fin
.

" L'ouverture de 1 était mauvaise. Il aurait été meilleur, avec la main de Bennett, de passer en se réservant de nommer les au tour suivant, si l'occasion s'en présentait.

Pourtant, Bennett aurait pu gagner 4 s'il avait deviné ....Voyons le déroulement du coup :

Entame : Hoffmann avait le choix entre 2 entames correctes : l' A ou le V . Il choisit l' A , et quand il vit au mort le singleton à , il contre-attaqua, logiquement, le V .

Le plan de jeu de Bennett : Bennett prit du R et joua le V.

Hoffmann ne couvrit pas "honneur sur honneur" et ce, tout à fait justement : c'est une faute que de couvrir un honneur, quand il n'existe aucune chance d'affranchir une carte du partenaire. Hoffmann ne pouvait rien affranchir pour lui-même en couvrant le V, et il savait que sa partenaire ne pouvait avoir plus d'un , si même elle en avait un seul. L'ouverture de 1 permettait de situer au moins 5 cartes à chez Bennett ; et certainement, avec au moins 9 cartes à entre son jeu et celui du mort, Bennett n'irait pas faire d'impasse contre la D au premier tour. S'il songeait à faire une impasse, Bennett devrait plutôt la faire au second tour, et la tenter contre Mme Hoffmann ; la longueur à annoncée par Hoffmann donnant plus de chances que sa partenaire détienne les longueurs dans les autres couleurs.

Quoi qu'il en soit, Bennett mit l'A du mort et rejoua . Il vit Mme Hoffmann défausser et prit du R. Puis, il coupa son petit , joua l'A et le 9. Mme Hoffmann couvrit de la D ; il coupa et Hoffmann surcoupa pour continuer avec l'A puis petit . Bennett prit du R, mais il ne put reprendre la main au mort et chuta d'une levée.

Le plan de jeu proposé par Lenz : Après les 2 tours d'atout, il aurait dû affranchir immédiatement les du mort et se réserver la possibilité de couper son petit pour reprendre la main au mort. Il aurait alors pu faire ses maîtres et son contrat ... à condition qu'Hoffmann, de son côté, ne joue pas mieux qu'il ne le fit. Car, s'il attend pour surcouper et ne rejoue jamais , il finira toujours par y faire 2 levées, etc."

Prologue

" La vérité est que personne au monde n'a jamais su quelles étaient les mains exactes de la donne du crime ; les Hoffmann poins que quiconque qui, dans leur émotion, avaient tout oublié de leurs cartes et ne se rappelaient que les annonces. Comme le dit Hoffmann au procès : "Tout le monde voudrait que je ma rappelle les cartes ; j'ai essayé en vain de m'en souvenir. Et si je m'en souvenais, je crois que je pourrais faire de l'argent avec cette donne."

Madame Bennett déclara qu'elle n'avait jamais parlé de ces cartes à personne et Madame Hoffmann fit la même réponse. Ni elle, ni son mari n'avaient jamais parlé de rien. La publication (de la donne) fut une mystification."

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